30 ans BTS biotechnologie

Texte d'Alphonse MEYER,
professeur agrégé honoraire de biochimie - génie biologique ;
reprise de son intervention du 15 novembre 2014

La section du Lycée Rostand à Strasbourg vient d'organiser une fête à l'occasion des 30 ans d'existence du BTS biotechnologie dans l'établissement, ce qui correspond aussi exactement aux 30 ans d'existence de ce BTS.

L'histoire de la conception et de la création de ce BTS mérite d'être connue afin de susciter des vocations pour des expériences analogues.

Suite à mon arrivé dans cet établissement en 1977. Histoire de récupérer du matériel pour le lycée j'ai des contacts avec différents laboratoires en particulier universitaires, c'est ainsi que j'entre en contact avec le professeur Chambon (fondateur et ancien directeur de l'Institut de génétique et de biologie moléculaire et cellulaire (IGBMC) de Strasbourg et également membre fondateur, avec Jean-Pierre Ebel, de l'École supérieure de biotechnologie Strasbourg (ESBS). Parmi ses nombreuses distinctions honorifiques et prix pour ses recherches, il venait d'obtenir en 1979 la médaille d'or du CNRS).

J'ai ainsi appris qu'il venait de créer la société Transgène avec M. Lecoq à sa tête (lequel va disparaitre dans l'accident de l'airbus au mont St Odile).

Les échanges font apparaitre des besoins en techniciens ayant une formation en génie génétique et fermentaire ce qui n'étaient pas couvert par les 2 BTS (Analyses Biologiques et Biochimiste) et les 2 bacs (F7 et F7bis) de l'époque.

Cela m'a fait réfléchir à l'idée d'une adaptation du BTS biochimiste pour y introduire ces techniques en 2ème année.

J'ai profité d'une audience syndicale en 1980 avec le Recteur Magnin pour lui faire part de cette idée, comme c'était un agrégé de médecine il fut non seulement facile à convaincre mais fut vraiment séduit par l'idée et m'a donné son appui pour plaider le dossier à Paris au niveau ministériel en particulier auprès de la CPC (Commission Professionnelle Consultative) qui gère les dossiers de création des diplômes professionnels tel que les BTS).

Lors du jury du CAPET dont j'étais membre en juin 1980, je me suis entretenu avec M. Audigié notre I.G. à l'époque. Il m'a fait part que l'idée lui trottait dans la tête depuis quelques temps mais qu'il se heurtait à des blocages au niveau ministériel. Il m'incita fortement à pousser ce dossier par d'autres voies.

J'ai donc repris ma casquette syndicale pour obtenir, par l'intermédiaire du bureau national, une audience auprès de la CPC début 1981. Au cours de cette première audience mon projet a reçu un accueil "courtois" qui peut se résumer à : on va faire une enquête en interne (en consultant notamment l'Inspection générale) et on vous tient au courant !!

Quelques semaines plus tard les évènements politiques avec changement de gouvernement et donc des recteurs et des responsables aux ministères ont dans un premier temps bouleversé les négociations.

Il a fallut tout reprendre à zéro courant 1982 après que les nouvelles équipes, totalement néophytes sur beaucoup de points, aient pu se mettre dans le bain. Heureusement les biotechnologies suscitaient de la curiosité et de l'intérêt (le prix Nobel de l'équipe Jacob, Monod, Lwoff était encore très présent dans les esprits) et mon idée de différencier la 2ème année du BTS Biochimiste en plusieurs options (pour moi 4 nouvelles en plus de la structure existante: génétique; fermentaire, enzymatique et végétal) en fonctions des demandes industrielles locales finit par décider la présidence de la CPC à inscrire cette demande à l'ordre du jour de la réunion plénière du 2 décembre 1983.

J'ai obtenu de pouvoir participer à titre d'expert à cette réunion plénière et à l'ensemble des réunions suivantes.

Avec M. Audigié j'y eu l'honneur de plaider le dossier pour obtenir la création d'une sous-commission spécialisée au sein de la 6ème CPC. L'adoption du projet par la CPC marque ce jour comme celui de la "fécondation in vitro" pour ce BTS.

Dès janvier 1984 les réunions de la sous-commission s'enchainent. L'Alsace y est présente en particulier avec moi et M.M. Lecoq et Aigle de la société Transgène et par la suite des collègues du BTS biochimiste du lycée. Après pas mal de discussions et des avis divergents entre la province et Paris, la commission se dirigea vers la création ex nihilo d'un nouveau BTS dont il fut prévu 2 ouvertures pour la rentrée 1984 (Strasbourg et Paris) avec l'idée qu'à terme 4 ou 5 sections suffiraient pour tout le pays.

L'idée des plusieurs options et de la première année commune avec le BTS Biochimiste sont passé à la trappe ainsi que tout le secteur végétal.

Démarre un marathon de plus de 20 réunions entre début 1984 (alors que la section va ouvrir en septembre!), et décembre 1985 pour finir par la réunion plénière de la CPC du 24-25 mars 1986 pratiquement à moins de 2 mois avant les premières épreuves qui permettra d'accoucher d'un référentiel et d'un programme "expérimental". C'est la date de naissance officielle du BTS soit une gestation de 2 ans 3 mois et 24 jours soit plus que celle des éléphants (presque autant que le requin-lézard)

Le BTS resta expérimental pendant environ 10 ans avant d'être officialisé.

La réunion festive du lycée Rostand, où presque 200 anciens titulaires du BTS étaient présents, a été pour certains l'occasion de décrire leurs parcours professionnels. On a pu se rendre compte que ce BTS est un exceptionnel tremplin (ascenseur social) pour accéder à des postes prestigieux (professeur d'université ou IPR par exemple).

Parmi ceux qui ont pris la parole pour témoigner et expliquer leur choix de s'inscrire dans ce BTS est revenu plusieurs fois : c'est le nom "biotechnologie" de cette formation qui m'a donné envie d'y aller.

Cela doit donner à réfléchir pour la dénomination de certaines de nos formations en particulier le baccalauréat qui serait certainement plus "vendable" avec la simple étiquette "bac biotechnologie".

Mais 30 ans après et malgré les 22 ouvertures de sections j'ai le sentiment que les biotechnologies sont proportionnellement en régression par rapport aux années 80, époque où la France était parmi les leaders mondiaux dans ces domaines (les polémiques sur les OGM et autres PGM liée à un principe de précaution inscrit dans la constitution n'ont pas favorisé ce secteur pourtant fondamental pour notre pays en ce XXIème siècle).

Aussi, en temps qu'initiateur de cette formation, je veux émettre quelques souhaits : 

• que ce BTS perdure et se développe en formant des citoyens capables de comprendre et dé-diaboliser les biotechnologies dans des esprits soumis à des discours idéologiques plus ou moins matures.

• qu'une réflexion sur les perspectives d'évolution s'engage. Sans revenir à mes options initiales, je pense qu'il faudrait arriver à avoir 3 spécialisations en 2ème année :

  • biotechnologies microbiennes,

  • biotechnologies végétales,

  • biotechnologies animales et humaines.

Ceci pour tenir compte des besoins industriels locaux et aussi pour afficher clairement tous les domaines d'interventions de ce BTS et surtout l'ouvrir sur le monde végétal cruellement absent dans nos formations.

• que les jeunes (ou moins jeunes!) collègues ne restent pas dans leur coquille mais osent émettre des idées novatrices de formations et les porter jusqu'au plus haut niveau (l'UPBM pouvant actuellement être un relai si besoin est).

Longue vie au BTS Biotechnologie.